Les trois pages finales

Depuis le 2 Février 2022 je m’adonne (aussi régulièrement que possible) à l’écriture des « pages du matin ». Cet exercice, pensé par Julia Cameron, consiste à écrire trois pages chaque matin. Le but étant d’aller au bout de ces pages, quel qu’en soit le contenu, ou le format. Ce procédé est censé stimuler la créativité.
J’ai pour cela acheté un carnet dédié et voulais partager les dernières pages ici.


«C’est le grand jour. Le dimanche des dimanches. La fin du périple ! Je sens le vent sur mon visage, en arrivant au sommet de cette montagne que je gravis depuis un peu plus d’un an. Aujourd’hui, le 26 Mars, c’est le jour des « trois pages finales ». C’est la première fois de ma vie que je remplis un carnet, intégralement, de mots et de pensées. Et j’en suis ravie. Je passe mon temps à acheter des carnets. Toujours pour des raisons différentes, qui sont toujours les mêmes. Je veux des carnets pour tout. Pour dessiner, peindre, lister, noter, coller… Et il est toujours de bon ton de s’en procurer un nouveau. Un plus grand. Un plus fin. Avec des pages unies. Avec un grammage différent. Un de poche. A spirale.
C’est le genre d’achat compulsif qu’il m’est difficile d’éviter. C’est un achat faussement utile, et presque justifiable. Un carnet, c’est toujours bien. Après tout, je suis créative. Pourquoi, comment n’aurais-je pas besoin d’un carnet supplémentaire ? Non. C’est impensable. Je désire posséder autant de carnets que possible, pour toutes ces raisons que je n’ai pas besoin de rappeler.
Au delà d’aimer l’objet en lui-même, mon plus grand rêve, carrément classé au niveau d’obsession, c’est de finir un carnet. Ce qui, évidemment, n’est jamais arrivé. Ce qui rend l’achat incontrôlable encore plus poignant !
L’obsession est palpable. Elle est là dans un coin de ma tête: « Achète ce carnet. Tu vas lui trouver une fonction spéciale. Tu vas utiliser chaque page jusqu’à complétion. Ca va être brillant ! Délicat ! Sensé ! Magnifique ! Hors pair ! J’y crois comme tu y crois! »
Bref, avant la fin de cette belle tirade de songes illusoires, me voilà déjà en caisse, avec un, si ce n’est deux nouveaux carnets. Et des nouveaux stylos pour aider dans ma quête de rigueur créative.
Et nous voilà repartis pour un tour de « je notais mes pensées là-dedans, et ça s’est fini en listes de courts et scores de Uno ».
Encore un sacrifié au nom de rien. Une énième victime de mes illusions enfantines de ce que signifie être meilleure que les autres. Les dommages collatéraux de trop de temps libre, pas assez d’inspiration.
Ce qui est formidable, c’est que c’est avec cette merveilleuse histoire sur mon obsession carnetale (si, j’ai le droit), que je suis en train de clôturer ce carnet. Et il est plein à craquer ! Pas une place pour noter un numéro à la volée ou caser une liste quelconque. Oui parce qu’en dehors des carnets qui se meurent chez moi, il y a aussi d’innombrables listes que je ne consulte jamais après les avoir faites. Mais ça, je crois que ça sera pour le prochain carnet.»